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26 octobre 2009 1 26 /10 /octobre /2009 17:33





Du fond du seau où j'avais assis ma désespérance momentanée mais tristement réelle, j'essayais d'en deviner le bord salvateur, tout là-haut où je voyais bien quelques lueurs blafardes m'inviter à secouer ma pauvre couenne lâchement assommée. Mais elles  me paraissaient tellement inaccessibles. En tout cas bien au-dessus de mes petites forces du moment. Lavette touchée et coulée. Je m'étais réfugié à gueule perdue dans l'addiction cruelle aux maxi-packs de chocolat liégeois pour y puiser le magnésium nécessaire à ma survie. Vous savez, ceux qui ont la sculpture torsadée de chantilly, juste adaptée à nos langues lapeuses avides de plongée en apné jusqu'à l'orgasme de la découverte de la couche de chocolat. Sublime. Je n'obtins en fait, à terme, qu'une taille supplémentaire pour mes jeans et la refonte complète de ma coquette garde-robe de jeune premier à la dérive. Les amis sont alors toujours là pour vous soutenir dans l'épreuve " une de perdue, dix de retrouvées" et vous traîner dans des escapades démoniaques, pour vous changer en principe les idées sombres et vous sortir enfin la tête au grand air. Le grand large. Les embruns. L'air vivifiant de la nuit. La claque des vagues sur notre petit corps raidi. Et au petit matin, retour brutal et direct au fond du seau. Le même que la veille. Sans passer par la case départ et toucher quelques sous pour la dose de viennois au chocolat. Inconfortable situation. Mais bon, en attendant mieux. Même au fond du saut, on est assis...




Ce soir là, la joyeuse bande de filous patentés m'avait concocté une magistrale tournée des guinguettes "accordéonesque" des bords de Marne. Ah le p'tit vin blanc, celui là même qu'on boit sous les tonnelles. Oui , du côté de Nogent. Comment le savez-vous? Bref. Bon. P'tits coups, chansons, ambiance, flon-flon, cotillons, serpentins...tagada pouet! pouet! Rien que du bonheur. De chez Lulu en passant par chez Gégène, la magie des déambulations nocturnes et champêtres entre Nogent, Joinville, Champigny, le long des boucles de Marne, ses îles bucoliques était un régal et un échappatoire champêtre à la jungle de la capitale pourtant toute proche. Ah, les dimanches "au bord de l'eau" , régates, canotage, pêche, jeux de quilles, de boules.. et les bals à danses "musettes" où affublés d'un canotier, Etienne-la-virgule ou encore Léon-le-flambeur promenaient en leur temps leurs carcasses douteuses... et toutes ces terrasses du bord de l'eau où l'on servait ces menus simples, fritures de gardons et d'ablettes, matelotte de poisson, fricassée...  la maison de Trenet "le fou chantant"  toute proche, les promenades en barque, les filles endimanchées, la marguerite printanière aux lèvres et nos envies pressantes de les effeuiller...un peu, beaucoup, passionnément... Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans... 




Au Pavillon bleu, Blanche qui était noire et passionnée de blues, m'avait à la bonne depuis qu'un soir, que dis-je une nuit, nous avions refait le monde en musique, ma guitare, son rhum arrangé, ses amis, elle et moi. Ne me demandez pas comment j'avais atterri là. L'endroit m'avait plu. De la lumière. J'avais poussé la porte. Simplement. Mes amis me cherchèrent une partie de la nuit pour me retrouver là chantant avec la tenancière déchaînée des blues qu'on s'inventait euphoriques dans l'instant et qu'on oubliait tout aussitôt. Je revins ainsi faire quelques tours de chants maladroits dans ce lieu inoubliable, juste de quoi gagner quelques sous pour ma drogue viennoise chocolatée avec sa douce collerette de chantilly. Jusqu'à ce que Blanche, ses beaux yeux verts et sa voix de velours se soient tous les quatre mis en tête un jour de m'épouser sauvagement... Elle devait bien avoir soixante ans au garrot, j'en faisais péniblement vingt sous la toise. Mon contrat s'arrêta en même temps que ma fuite éperdue en appelant ma mère.




Au "Chat qui miaule", notre joyeuse équipée attablée comme à l'accoutumée devant quelques conviviaux breuvages, se laissa encore aller aux folles vocalises. Une tradition. Un rite. Mes amis et moi, tous basques, béarnais ou gascons insatiables avions vite, dès notre rencontre en exil parisien, tout naturellement accordé nos voix. Notre répertoire était au point et chacun avait sa voix placée. Alors on buvait un peu et on chantait beaucoup. Parfois, souvent, c'était l'inverse. Au "Chat qui miaule" donc, les consommateurs attablés gouttèrent à nos fantaisies chorales. Séduits et joyeux de cet intermède improvisé. Chacun à son tour nous offrait de quoi nous désaltérer et nous mettre en voix pour que l'on continue à pousser la chansonnette avec gestuelle théatrale et chorégraphie étudiée à l'appui. On en rajoutait forcément quand on voyait les yeux commencer à briller tout autour de nous. Le patron de l'établissement, un peu rondouillard et beaucoup chauve, nous demanda sans précaution ni délicate manière, de quitter son établissement sur le champ et d'aller voir par là ailleurs si on ne le retrouvait pas avec des cheveux longs en train de peigner le cou de la girafe. Et alors là, quel souvenir grandiose et mémorable! Du grand scénario. Imaginez tous les clients de l'estaminet (la grande majorité, soyons raisonnable, selon les syndicats et trois ou quatre individus à peine selon la police) se levèrent et menacèrent le tenancier de partir eux-aussi s'il ne revenait pas illico sur cet injuste décision unilatérale de mettre fin à ce concert impromptu et plein de charme qui mettait un peu de soleil dans ce monde tristement monochrome! Le chauve, de cul et tétu, récidiva sa menace... afin de protéger son honnête établissement de l'envahisseur paillard.



Et  voilà un des plus beaux souvenirs de notre trop éphémère carrière de fouteurs de merde en chansons! Un cortège improbable de joyeux lurons, clients et nous mêlés, quittant en chantant "Chat ira mieux demain" à la gloire de ce pauvre "Chat qui miaulait soudain bien mal" pour rejoindre la terrasse voisine "Chez Gégène" et y déposer sous le regard amusé et bon enfant du patron notre lot de clients tous frais et nos chansons qui avaient enfin trouvé un public de connaisseurs avertis! Le chat était maigre et sa terrasse désertée. Chat alors...




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20 octobre 2009 2 20 /10 /octobre /2009 07:16



Une maison que l'on vide.
Des tableaux que l'on décroche. Des albums que l'on feuillète. Des photos que l'on retrouve, d'autres que l'on découvre. Des visages aimés, des moments, des odeurs, des émotions, des souvenirs, des souffrances, des rires... Des doigts tremblants qui dessinent sur la poussière des signes impatients. Des vies qui se recomposent, des papiers jaunis, des lettres avec des mots agiles dessinés à la plume Sergent Major. Des choses cachées, d'autres connues, certaines qu'on voulait oublier et aussi celles qui déclarent de l'amour ou des hostilités ou encore des chagrins. On vide. On carresse doucement ce qu'auparavant on ne faisait que toucher sans émotion. Le lit, l'armoire, la robe de chambre pendue. Vide à l'intérieur. Le tablier, le châle parme, les accoudoirs du fauteuil. La bibliothèque, fourre-tout fantastique, la canne patinée, le déambulateur bleu. On vide.

Une maison que l'on vide. Cohabitation géniale et aimante des générations. La mémé au tablier noir à fleur mauve. Aux cheveux si gris. Qui tartinait en souriant le pain du matin. Qui nous accompagnait à la porte en nous donnant le cartable et le dernier baiser. Qui nous immunisait à vie contre la fatigue avec un verre quotidien de Quintonine étrangement euphorisante. Qui nous mettait les chaussons au chaud dans le tiroir de la cuisinière pour le retour de l'école. Le pépé, taquineries et chamailleries, yeux pétillants de bleu sous un béret tiré sur le devant, espiègle et farceur, les parties de belotes, de dames, le potager, le poulailler, la vigne... Les repas de vendanges sous le barnum blanc... chants, rires, entraide, amitiés, inoubliables moments de pleine vie...



Une maison que l'on vide. Des jeux de gamins, des cris, des réprimandes, des découvertes, des bêtises, des coups de poing, des pleurs, des cicatrices, des initiations à l'autre, des mystères... La tonnelle à l'épaisse vigne vierge, le portique et ses anneaux impossibles, la cabane aux copains, le bassin où "mouchaient" les ablettes pêchées à Garonne, le puits et son eau fraîche. Le cerisier. Les conversations des "grands" sous son ombre estivale. Le poulailler où j'embrassais à cinq ans ma voisine enfin conquise. Notre secret éternel. Je n'avais pas dutout aimé le goût de sa bouche. Ou peut-être l'odeur du poulailler. Bon, les conditions n'étaient pas idéales, j'en conviens. Je n'ai jamais su vraiment choisir les décors à mes idylles. Et puis les champs tout autour. A peine assez grands pour nos jeux de gosses. Où aujourd'hui ils ont semé des maisons. Et puis à mes dix ans, ces départs douloureux et cruels du dimanche soir, vers un pensionnat lugubre où j'avais choisi, inconscient et salement manipulé, de sacrifier de bien belles années. Engelures. Crevasses. Douleur indélébile. Tellement froid au coeur.


Une maison que l'on vide. Où chacun s'était fait ses coins et recoins. Où chacun emporte ses secrets, ses moments, entassés ça et là, invisibles à l'autre mais tellement là pourtant. Il y a des douleurs, des pleurs, des chagrins par ici. Sans doute des étreintes folles, des rires, des éclats de joie par là. Par une nuit froide et pluvieuse d'hiver, une femme, belle et douce, est ici venue m'aimer comme je le souhaite au monde entier. Passionnément. M'a donné la preuve insensée de l'élan merveilleux. Elle m'a dit des mots tellement simples, pleins de miel, plein de cet amour qu'elle puise généreusement au fond d'un coeur gorgé de tendresse. Donné des caresses et effleurements célestes et inoubliables. J'ai senti qu'elle me confiait ce qu'elle avait de plus beau. Je vous jure que je n'ai pas rêvé. Au matin, j'ai pu suivre ses pas encore mouillés qui partaient vers là-haut, tout là-haut. J'ai cru voir une étoile qui défiait le jour. Ou était-ce un papillon tellement coloré et brillant? Je vous jure que je n'ai pas rêvé. Si? vous croyez? Les anges sont tellement malins...


Une maison que l'on vide. Des repas de familles sans fin, des tablées d'amis bruyants, des engueulades mémorables, des embrassades innoubliables. L'assiette toujours mise pour le pauvre ou le chemineau. Des coeurs sur la main... Des mains sur les coeurs... à la vie, à la mort. Et de la musique. La trompette de papa, le violon de maman et nos piano, guitares, flûtes, saxophone et le terrible "Mélodica" jamais vraiment maîtrisé par la frangine. Machine infernale. Et des chansons. Des mélodies. Le premier poste à transistors. Marron. Et puis des chansons. Et encore des chansons. Et aussi ce petit crabe puant, boulimique de nicotine que papa a engraissé jusqu'à l'overdose. Jusqu'à ne plus avoir ce souffle magique pour faire chanter sa trompette et nous dire ses bons mots. Mais il avait eu le temps de nous apprendre la joie en l'autre, l'amitié sincère, la solidarité, le respect et la confiance en la vie, l'amour du prochain... donner pour recevoir. D'abord donner... laisser toujours sa main ouverte pour que s'y pose doucement une autre.

Une maison que l'on vide. Parce que Ginette à la voix d'or est partie. Elle ne nous appelle plus du fond de ses errances par ces nuits infernales et tourmentées. Les derniers petits déjeûners matinaux, deux tartines confitures et la tasse bretonne bleue avec un peu de café, sa plâtrée infâme de cachets qu'elle avalait d'un coup, étaient le bonheur qu'il fallait déguster précieusement. Juste avant que les malins reviennent. Voilà, elle est partie. Simplement. Pas ces saloperies de démons qui jouaient à dérégler sa cervelle qui l'ont eu. Elle était bien trop maline. Non. Elle a décidé de s'en aller. Toute seule. Un point c'est tout. Je sais qu'elle a fait bonne route. J'ai cru apercevoir quelques signes que j'attendais. Me voilà apaisé.


Une maison que l'on vide. Que l'on nettoie. Que l'on brique. Que l'on veut accueillante. Pour que d'autres y déposent à leur tour leurs vies, que des boucles blondes envahissent le jardin, crient, inventent, se construisent des cabanes, des endroits secrets, des premiers baisers, fassent des bouquets éclatants des roses ressuscitées et des lilas multicolores renaissants, se fassent des serments fous sous l'olivier confident par des jours ensoleillés de printemps... et vivent bienheureux. Bienheureux. Pour que se perpétue encore la magie de ce lieu d'amour.

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13 octobre 2009 2 13 /10 /octobre /2009 20:31


"Cheminer sans repos par des plaines arides
Et se meurtrir aux arêtes
Des versants et des cimes
Ou encore braver les torrents
Des abîmes sans fond
Afin de conquérir l'Amour
Par démesure d'amour."

Hadewijch d'Anvers

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12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 17:48



Un béret est assis sous cet amandier incroyable aux ramures complètement immobiles. Pas un souffle. Sous le béret, Benito respire à peine. Sa vie s'est mise à l'unisson de l'heure torride. Benito ne s'appelle sans doute pas Benito. Peut-être Ravier ou Miguel... Peu importe. Benito n'a pas bronché à mon passage sur ce chemin brûlant et poussiéreux. Pourtant je sais que son oeil clair en embuscade, là, juste sous le feutre noir, m'a jugé. A ma démarche. A mon regard. A mon accoutrement. A ma manière de regarder les choses. Quand je me suis retourné, l'oeil, espiègle, semblait fermé depuis des heures. Mirage. Les potagers en espaliers sont en feu sous le soleil. Pourtant les légumes sont verts, rouges, oranges, jaunes, éclatants et gorgés de pulpe savoureuse. Le secret de Benito, je le découvrirai à la nuit tombée. Une source claire et chantante. Cachée. Domptée. Et des canaux savamment creusés dans la terre ocre pour abreuver le jardin la nuit. Comme ces gouttes silencieuses qui s'élancent du front plissé de l'homme pour emprunter les sentes harmonieuses des ridelles qui racontent si clairement les rires et les souffrances. Benito est en accord. Avec lui, avec sa vie, avec ses gestes, avec ses mots, avec sa terre, avec sa vieillesse. Les oliviers, amandiers, abricotiers, vieux torturés paisibles ou jeunes trop raides à défier le ciel,  balisent les sentes compliquées de sa vie. Pourtant simple. Pourtant ordinaire. Mais c'est sous ce vieil amandier fatigué qu'il repose chaque jour sa carcasse usée. Le tronc le plus respectueux. Tourmenté par les ans. Celui à qui il parle, sans respirer, du temps "d'avant" comme pour éviter d'évoquer celui, bien maigrichon, qu'il lui reste à arpenter. Ici pas de barrières, de clôtures, de chiens de garde, de miradors, de digicodes, de caméra de surveillance. Ici la terre vit librement, s'échange, respire, se prête, se travaille, se discute, avance, recule, s'adapte aux besoin de l'un, de l'autre. Ici on respecte. Simplement on respecte. Et on s'étreint en silence.



Devant mes yeux, au détour du regard, au détour du chemin chaud, le village blanc. Sans vie à ces heures pleines de feu. Et puis, juste au-dessus, ces monstrueux cigares de poudingue rouge, incroyables monolithes sculptés par l'érosion millénaire. Le Firé, le Pison, la Visera, Mallo Colorado, Mallo Chichin... voies mythiques et sentes ardues, serpentins aériens, mystérieusement accrochés aux étoiles. C'est pour eux que je suis venu. Pour ces joyaux majestueux du royaume d'Aragon, paradis des grimpeurs qui partagent l'espace vertical avec les vautours fauves, nidifiant dans les parties basses, plus friables, et dansant, infatigables, dans les cieux argentés au gré des ascendances divines.


Los Mallos de Riglos. Ma première étreinte avec cet Aragon qui devient au fil de mes escapades par delà les crêtes un refuge vital à mes rêveries essentielles. Cinquante ans pour venir fouler cette terre si proche. Pour rendre hommage à ce pays rendu exsangue par un franquisme moribond, condamnant espaces et équilibres en une désertique débandade et un gigantesque gâchis. Les villages abandonnés et en ruines, où seuls les ronciers serrés ont  survécu à l'exode brutal, sont des sanctuaires de plénitude. Silences. Bruissements. Mystères. Des pierres qui parlent "d'avant" qu'il faut savoir écouter. Surprendre. Des ruines en équilibre qui crient encore un peu pitié. Des restes de vie, des miettes de bonheurs passés. S'asseoir au beau milieu d'un village sans vie. Ecouter le poul faible, à l'agonie depuis de trop douloureuses années, mais qui bat encore dans quelques vibrations à peine perceptibles. Fermer les yeux et apprendre à reconnaître un à un ces gens fatigués qui poussent la porte de la maison, le soir, au retour des champs, s'attablent autour de ce banc sous la treille qui écoute la voix mélancolique des anciens pressés de se raconter, les chiens qui se disputent un "reste" jeté par la fenêtre, les chants qui monteront à la nuit câliner les étoiles et remercier le bon dieu.


L'Aragon est une terre d'amour.

L'extrait précieux de sang ibère qui a trouvé refuge dans mes veines, héritage inespéré de ma merveilleuse mémé Malile, venue de la province de Lerida, a subitement  pris possession de mes canaux de vie. Comme un tourbillon, brûlant et pressé.

Bizzarement la langue m'échappe.  Je me refuse, sans raison à m'y  atteler. Je sais que je dois respecter les hommes qui m'ouvrent leur bras et faire l'effort de les comprendre pour pouvoir les aimer mieux. Je me réfugie derrière ce bonheur que j'ai à parler aux regards par le regard. Je m'obstine à considérer que c'est un pan de ma liberté de n'être pas compris et de ne pas comprendre. Parce que ça m'arrange aussi sans doute. Ce côté mystèrieux et inaccessible a une subtile saveur sucrée. Un goût de miel. De défendu. D'imprévu. Mais ma piètre ignorance de la langue ibérique a forcément ses limites. Ainsi, croyant commander dans un restaurant de Broto, une belle escalope de veau dite "broto" aux patates dorées et délicatement persillées, il me fût servi une belle paire de pieds de porcs nageant dans une mixture douteuse qui me fit jurer mordicus de me mettre dès le lendemain à l'apprentissage intensif et vital de l'espagnol culinaire. Seul le Somontano "tinto" et millésimé sauva les apparences. Là, je ne m'étais curieusement pas trompé.

Depuis mes pas ont arpentés ces terres arides, maquillées de thym, de romarin, de lavande, ces sierras incroyables de Guarra, du rio Vero, du Mascun, les descentes vertigineuses dans la Péonera de l'ami Tito, les canyons magiques d'Ordessa, les fajas abruptes qui défient le Mont Perdu, la dalle calcaire qui ouvre le ciel vers la dernière cheminée qui défend le sommet de l'Anayet... ma quête est encore pleine, passionnée et prometteuse.

Je n'ai pas encore trouvé ce que je cherche. Mais je sais que c'est par ici que je le trouverai. Mon regard le sent. Mon coeur le sait. Benito l'a bien compris. Alors il me faut repartir et fouiller encore... 

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6 octobre 2009 2 06 /10 /octobre /2009 10:25



"Être dans le vent,

c'est l'idéal des feuilles mortes."


Jean Guitton

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6 octobre 2009 2 06 /10 /octobre /2009 07:32





"Je n'aime pas du tout, mais alors pas du tout ce que vous faîtes!".

Une claque. Comme quand gamin, le maître vous rendait la copie dont on savait la médiocrité et le verdict impitoyable à venir. Sauf que je suis attablé au forum des écrivains en ce frileux décembre. Au milieu de cette grande salle avec des stands d'écrivains, de maisons d'édition, des grappes de curieux, de passionnés, de lecteurs potentiels même, si, si je vous assure. Que mon éditrice est à mes côtés. Belle. Pimpante. Et que la pile de mes bouquins en équilibre devant moi n'est pas assez haute pour que je tente une dissimulation immédiate de ma frèle morphologie touchée mais pas coulée. Echanges de regards intrigués entre nous. Elle, moi. Moi, elle. Lui, moi. Moi, lui. Elle, lui. Bon jusqu'alors, on ne peut pas dire que j'avais croûlé sous les ventes en cette matinée dominicale. Mais bon, çà et là quelques mots flatteurs, quelques échanges ensoleillés, quelques dédicaces courtoises... Mais là, c'est l'olibrius qui manquait au tableau. La touche finale. Le personnage qui casse.

"Je n'aime pas du tout ce que vous faites".
Bon, il récidive. Un peu plus fort. Les gens commencent à se retourner. La honte n'est pas loin... je la sens qui arrive subrepticement... Mon adorable éditrice sauve momentanément le naufrage prévisible : " Mais vous avez bien le droit, mon bon monsieur." Me sentant soutenu, je lui emboîte le verbe :"Mais qu'avez- vous lu de moi pour être si catégorique ?". La réponse est cinglante tout en manquant cette fois d'originalité : "Je n'aime pas du tout!". Je continue : "D'accord, mais vous n'aimez pas quoi? Mes mots, mon style, mes sujets, ma manière de...?".  Il ne me regarde même pas : "Tout ça oui!". L'homme en veston de flanelle avec son petit cache-col en soie commence à tailler sacrément dans ma patience légendaire. Mon éditrice, me voyant le nez dégoulinant de moutarde forte, reprends la main : " C'est dans le journal que vous le lisez?". Mon fan du jour acquiesce :"Oui, dans Le Petit Bleu. Et je n'aime pas du tout." Je pensais alors en moi même qu'il confondait peut-être avec la recette de cuisine irréalisable qui jouxtait chaque jour mes nouvelles saucissonnées en feuilleton quotidien. Je m'entendis simplement et posément lui rétorquer : " Vous savez, il en est de la littérature comme des épinards. Si on ne les aime pas, il est déraisonnable de s'en resservir". Je vis à son regard une grande suspicion à mon égard. Mon supporter inavoué qui tripotait sans délicatesse mon livre depuis quelques minutes le lança violemment sur la pile de ses congénères, menaçant ainsi mon fragile équilibre littéraire, et dans une sortie téhâtrale de bonne facture, pivotant sur lui-même avec une gestuelle bien appropriée, libéra l'espace en criant assez fort pour que je sois maudit pour les quinzes générations à venir :" Bahhhh!! Je n'aime vraiment pas, mais alors pas du tout!"

Nous partîmes de concert dans un éclat de rire spontané, nerveux et libérateur pendant que le lascar ruminait, en déambulant, sa platrée d'épinard frais. On le vit cheminer de table en table de stand en stand à la recherche de la suite du menu indigeste. Intrigué, je quittai mon poste d'observation et m'approchai discrètement de l'auteur face auquel il s'était planté tout droit. Et ce que je pressentis s'avéra  fondé.
"Je n'aime pas du tout, mais alors pas du tout ce que vous faîtes!" lança-t-il à l'homme de lettre médusé. Et de repartir dans son tripotage de bouquin. C'est alors qu'on vit arriver du bout de l'allée, une dame faisant de grands gestes désespérés. Elle arriva à notre hauteur, prit le monsieur par le bras et l'entraîna affectueusement en s'excusant : " Désolé messieurs dames s'il vous a quelque peu importuné, pardonnez-moi, je dois le surveiller comme le lait sur le feu. Le pauvre a quelques soucis neuro-dégénérescents. Je discutais à l'autre bout et il m'a encore échappé."

Je souris doucement, amusé et compatissant en regagnant ma place.

Une jeune femme paradait autour d'une grappe de gens "bien comme il faut" devant ma table. Elle me fit quelques louanges exagérées sur mes écrits débutants. Elle n'avait visiblement pas lu mon livre. Elle fût surprise par mon regard vide et mon manque d'intérêt. Elle se donnait pourtant tant de mal. Encore sur le coup de mon admirateur précédent, je ne crus pas un traitre mot de ce qu'elle vantât à sa cour. Trop lyrique, enflammé, déplacé, mondain... pas mon livre du tout!
Les écrivaillons du dimanche ne sont jamais content...
J'entendis mon subconscient parader : "Je n'aime pas du tout, mais pas du tout ce que vous faites!"
Mon éditrice était blême devant mon indifférence et s'ingéniait à me booster sans résultats probants.

Je sus après qu'il s'agissait d'un critique littéraire très influent qu'elle avait eu bien du mal à convaincre...

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2 octobre 2009 5 02 /10 /octobre /2009 11:06


" La vie est faite de naissances secrètes. "


René Daumal

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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 14:35



L'automne 2000, nous avait expédié ses liasses de feuilles mortes qu'il ne nous restait plus qu'à ramasser à la pelle... tu vois, je n'ai pas oublié.... Même le fisc, profitant du dépouillement des branches et de nos regards distraits pris dans le tourbillon, avait glissé les siennes dans nos boîtes à lettres. Bien vivantes celles-là. Le nouveau millénaire nous martelait ses espérances folles... on faisait semblant d'y croire. Mon éditrice, adorable mais diablement dynamique, m'organisait mes fins de semaines, de fêtes du livre en salons, de réceptions en dédicaces. Ecrire  "Queues de poissons" m'avait donné bien du plaisir et une excitation exaltante, battre la campagne pour promouvoir le bébé, m'était une corvée. Ma maison d'édition avait négocié avec le journal local, en échange de beaux articles, le droit de publier mon ouvrage en feuilleton quotidien. 

Ainsi fut fait. Mes contes et nouvelles se trouvaient exposés des semaines durant, du petit café noir du matin aux lectures digestives d'après dîner, dans les foyers, dans les cafés, dans les tabacs-papeteries, servait de réceptacle aux pelures de patates aussi, de sèche-chaussures roulés en boule dans chaques pieds, pour envelopper les litrons de Préfontaine étoilé, et toutes sortes de situations cocasses et  imprévues dont je taierai ici les détails.

C'est ainsi qu'Eliane est arrivée dans ma vie. Par la boîte à lettres. Feuille parmi les feuilles. Dans une enveloppe. Pliée en quatre. Une lettre émouvante, surprenante, inattendue. Des mots touchants, réconfortants. Presque des mots d'amour. Jour après jour, par l'intermédiaire du journal, elle se reconstituait mon livre, patiemment, découpant le feuilleton qu'elle collectait et qu'elle classait. Bouleversé, je décidais de la contacter. Le phantasme de l'écrivain, le goût sucré de la rencontre, de l'aventure coquine.  Elle devint de suite dans mon esprit, belle, rayonnante, délicieuse, cultivée, idéalement proportionnée, désirable... stop! Bref je me l'idéalisais rien que pour moi. Pas partageur du tout. Les mots et le langage tenus m'incitaient à penser, pauvre ego narcissique de l'écrivaillon pitoyable, qu'elle ne pouvait être qu'amoureuse de moi, offerte, conquise, à mes pieds aux chevilles soudain disproportionnées. C'est pourtant avec une chair de gallinacée genre poule mouillée que je composai le numéro de téléphone mentionné sur la missive parfumée et prometteuse. La voix me surprit. Je demandai poliment à cette grand-mère au demeurant fort agréable, si je pouvais parler à la dénommée Eliane. Sa fille ou petite fille sans aucun doute. La réponse me figea quelque peu. Je la fis même, je crois, répéter. Une troisième fois ne me suffit pas, je la harcelai d'une quatrième demande identique. La sentence me fut terrible. Je parlais à Eliane. Tout un pan de mon imaginaire s'effondrait. Mes phantasmes lubriques avec.

Mais que de tendresse dans ses mots à mon égard, que d'affection, que de sensibilité. Eliane ne m'avait jamais vu mais me connaissait tellement. Eliane avait fait la pige à 90 printemps qui l'avaient vue passer du sein maternel, à l'acnée juvénile jusqu'à ce fauteuil usé où se callait maintenant sa vieillesse. Et elle lisait. Et elle me lisait. Mal, laborieusement, lentement, jusqu'à ce que ses yeux épuisés ferment les volets. Souvent. Mais elle les réprimandait et reprennait... Queues de poissons!
 
Le bonheur qu'elle eut lorsqu'elle reçut le livre que je lui envoyais me bouleversa. Elle m'appela et ses mots là encore étaient justes, précis. Elle m'écrivit souvent. Me confia même quelques-uns de ses écrits en confiance. Elle me martelait à chaque fois comme une incantation : " Ecrivez, écrivez, écrivez, je vous en prie, écrivez!". Dans les moments de doute, je reprenais et reprends encore ses lettres. Elle exagérait ses flatteries et son intérêt à mon égard, mais ça me faisait du bien d'y croire. A la première parution de mon roman "La Plume de l'ange", je lui fis parvenir l'ouvrage. La lettre qui fit suite à mon envoi avait une écriture plus laborieuse et tremblotante, maladroite, mais les mots doux et ensoleillés restaient. Le poignet était douloureux et les yeux pourtant grands ouverts ne voulaient plus de lumière. Elle lut mon livre "deux fois" me dit-elle, avec une loupe et m'écrivit de même. Sa dernière lettre me reste précieuse.

Je n'ai jamais rencontré Eliane. Chaque fois que je voulus la rencontrer, pour lui porter un livre, passer un moment avec elle, lui lire quelques pages, ou l'inviter autour d'une table, elle fuyait, se dérobait, s'ingéniait à trouver des prétextes. Elle n'ouvrait pas sa porte. Ne voulait pas qu'on voit sa vieillesse. Encore mois qu'on découvre son chez elle. Si elle avait su que sans l'avoir vue, je la trouvais tellement belle.

Eliane ne réponds plus. Le téléphone sonne dans le vide. Mes lettres me reviennent. Les siennes n'arrivent plus.

Mon prochain roman, je le confierai à deux anges blancs qui sauront bien la retrouver.

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21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 10:44

Voilà, c'est fait. Restée bien au chaud dans l'environnement restreint du petit cercle rassurant et bienveillant des amis et parents, "La plume de l'ange" a soudain trouvée à son tour quelques ascendances favorables pour s'envoler vers des cieux plus vastes, passer même des frontières espérant se trouver ainsi une petite vie bien à elle et essayer d'exister au-delà des amicales et bien trop objectives critiques et encensements lumineux. Un ange complaisant a doucement déposé le manuscrit sur la table de Chloé des Lys, éditeur belge au nom plein de poésie et de mystère. Bon, le comité de lecture s'est, comme cela pouvait être prévisible, rapidement assoupi, allant même jusqu'au ronflement ferroviaire et indécent ce qui irrita profondémént mon petit missionnaire à ailes blanches. Sa contrariété fut telle qu'il implora illico le ciel de lui pardonner la fourberie à venir. Sans attendre de réponse du très haut, il profita de l'action soporifique de l'écrit sus-cité pour mentionner de sa plume alerte, flatteries et commentaires ensoleillés sur l'ouvrage. Je crois même, mais je n'en suis pas sûr, avoir lu le mot "chef d'oeuvre Goncourable" écrit d'une cursive bien galbée au bas de la page... bon les anges se la pètent un peu parfois aussi!... Malgré tout, l'affaire fut dans le sac!

Maintenant petite Chloé... t'es réveillée mais c'est trop tard...t'as signé en bas de mon contrat...et moi aussi...  fallait pas t'endormir... Il faut toujours se méfier des anges qui passent... et des manuscrits qui font roupiller! Et voilà. Hop mon roman... le voilà édité pour de vrai, avec toutes les pages, la couverture, mon nom écrit dessus sans aucune faute et tout et tout !... rien que du bonheur!

Bon, reste à trouver quelques lecteurs sacrément compréhensifs pour justifier cette efficace mission angélique... Allo, vous êtes encore là ? Allez, un petit geste quoi...


 

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21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 10:03

"Peu de temps pour reprendre son souffle...
 Enfin décidée à ranger sa vie jusque là sens dessus dessous,
l'intrépide Babou, la trentaine toute en beauté,
voit débarquer le jour de ses fiançailles,
Enzo qui revient de seul le diable sait d'où..."

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