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27 avril 2010 2 27 /04 /avril /2010 07:18

  cloitre

 

En 1965, un gosse  a quitté ses parents, frères et soeurs, sa maison, ses chats, sa chambre, son univers, tout ce qui construit l'équilibre affectif primordial de l'enfance. Il avait dix ans. IL AVAIT DIX ANS. Une espèce de sourire mal fagoté aux lèvres,une fierté trop ostensible et  le coeur en charpie. A vif. Saignant comme un magret. Sans les tranches de pêches dorées. Sans la douceur d'une coulée de miel. Il avait dix ans. Il avait décidé de devenir "prêtre". Blouse grise numéro 165. De gras curés recruteurs avaient habilement manipulé longuement et patiemment son âme sensible et sa belle naïveté de gosse. On lui avait dit que la souffrance était beauté et offrande. Joie et éternité. Que le paradis était à ce prix. Paradis, Purgatoire, Enfer. la trilogie infernale. La menace, l'argument de frappe du curé recruteur. Qu'il fallait offrir, aimer, prier et faire des sacrifices. Donner humblement.  Et tendre l'autre joue aussi. Alors il souffrait et offrait ses privations d'enfant "rapté" pour la rédemption du monde... Il avait dix ans. Blouse grise numéro 165. Inoubliable matricule. Comme ce cloître lugubre, ces dizaines de chapelet égrénées, ces vies de saints assénés en lecture pendant le repas. Il avait tout cru. Tout supporté. Tout avalé. Le réveil à la cloche de cinq heures trente, se mettre à genoux immédiatement au pied du lit pour remercier le Seigneur de la beauté de la journée à venir,  la toilette à l'eau gelée, cirage des chaussures, les draps au carré, la messe quotidienne les yeux plein de sommeil, les études matinales et tardives, le réfectoire aux mornes repas,  la réserve de "pain frais à rassir" pour éviter d'en manger trop, ce dortoir immense, sordide et glacial, la torche violente des surveillants nocturnes, le retour aux vacances dans la famille, ces terribles dimanches soirs noirs avec le coeur et les boyaux en perdition, avec un déchirement indicible et violent, les tableaux d'honneur sésame indispensable au retour dans la famille et ce lit où toute les nuits il s'inventait des petits bonheurs simples d'enfants... Tout avalé. Même pire. Un jour il racontera, bientôt il racontera. Tout et sans omission. Pour se libérer enfin. Le "grand confessionnal" de son enfance, sans le voyeur en noir dedans et sa sacro-sainte moralité. Le grand déballage...

 

Tout avalé.

 

Et puis enfin tout vômi.

 

Un vol entier de corbeaux. Avec des plumes bien noires.

 

Presque tout. Car il a digéré bien plus tard des choses essentielles à sa vie. Le goût et le respect de l'autre, la solidarité, l'amitié, la tolérance et le goût du peu.

Et surtout celui des mots. C'est là-bas qu'il a malhabilement couché ses premières histoires, raconté aux copains des histoires insensées, inventées. Lu Pagnol et Frison-Roche. Découvert aussi le rugby de campagne et ses valeurs de bâtisseurs d'hommes, conquérantes et libres. Les coups, les feintes, les ruses, les parades habiles. Et surtout devenir "dur" au mal et "doux" aux autres.

Voilà, devenir simplement doux aux autres.

 

Ce gosse a fait son chemin de vie. Bien éloigné de toute vie et pratique religieuse. Aucune espérance dans la théologie, ses dogmes et ses principes inébranlables.  Il a offert à ses enfants la liberté morale et précieuse de n'avoir aucune contrainte doctrinaire et une liberté de penser intacte, vierge, avec toutes les cases à remplir, à se construire eux-même, au cours des rencontres humaines, des expériences, des créations, des sentiers parfumés, des échecs, des peines, des reconstructions, des amours passionnés, des réussites, des doutes...

On ne devient pas disciple du dit "créateur" à l'âge de six mois sur un fond baptismal entouré d'une famille et des amis focalisés sur le banquet, les ripailles, les retrouvailles et les agapes à suivre.

 

prêtre-copie-1

 

Aujourd'hui, l'Eglise catholique de France, à l'approche de la journée mondiale des vocations, lance à l'initiative des évèques de France et du Service National des vocations, une vaste campagne de communication. De recrutement. Une grande première dans le mode de communication de l'Eglise catholique. Déclinaisons de trois thèmes et messages adaptées à trois cibles : les jeunes afin de les interpeller " au moment où ils s'interrogent sur leur avenir", les jeunes travailleurs et les plus de trente ans afin de "montrer que les prêtres sont bien dans leur peau, heureux, passionnés et qu'ils vivent leur engagement avec joie" dit le Père Eric Poinsot, directeur du Service National des Vocations. L'affiche ci-dessus, destinée aux jeunes affirme en anglais (oui, car en français ça aurait fait franchement ringard ) : "Jesus is my boss!" et de répondre "Why not?"... 

 

Même si elle me semble déplacée, douteusement raccoleuse et malhabilement conçue, je ne peux donc que me réjouir de cette campagne qui incite des "êtres responsables" en âge de décision à s'engager dans un sacerdoce difficile, inadapté en pleine crise des vocations avec des dirigeants aux propos parfois douteux avec une condamnation du port du préservatif "criminelle" et pour laquelle ils devront répondre devant leur Dieu père, fils et Saint Esprit de leur part de responsabilité dans les milliers de morts du sida à travers le monde .

 

Et d'enfin ne plus se jouer des âmes claires des enfants.

 

 

J'avais dix ans...   

 

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6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 12:35

 

banc.jpg

 

" S'asseoir en silence

ne sera jamais perdu :

un jour, vous récolterez

une moisson de paix."

 

Baba Hari Dass

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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 12:26

 

  avendre.jpg

La nuit avait été douce et claire. Juste les circonvolutions traînantes des dernières feuilles sèches s'offrant une dernière valse essouflée avec un trop timide vent d'autan. Le matin était radieux sur le hameau de Saint-Ferréol qui faisait chanter les gonds des fenêtres et volets gémissants les uns après les autres, comme autant de plaintes aux labeurs inévitables qui s'ensuivraient. Etirements matinaux, cafés fûmants, tartines beurrées, Tahïti douche moussant, cravates ajustées... nom de dieu... viens voir Simone, les Robert vendent leur maison. Un panneau rutilant  "A VENDRE", de l'agence "Brochet Frères" , avec en gros le numéro de téléphone confirmait sur la grille en face la perspicacité matinale. Merde alors...Je sors le chien. Le téléphone alors se mêla de ce qui à priori ne le concernait pas. Allo François?... quand même tu aurais pu nous prévenir et vous partez où?... Bé je pars au taff... où veux-tu que j'aille!... eh bé ta maison est en vente!... Sprint endiablé autant que divin jusqu'à la haie d'enceinte où un panneau rose fluo de l'agence immobilière "Le Saumon" clamait sans discrétion la vente du bien. Les voisins partirent alors en questionnements débridés sur la chaussée qui s'encombra rapidement d'autres vendeurs "contre leur gré" de leurs biens douloureusement et honnêtement acquis. Ainsi les agences immobilières s'étaient sournoisement emparées des bâtisses du plateau. Les agences "La Truite", "La Perche", "La Carpe", "Anguille", "Lebar", "Du Gardon"....  frétillaient sur les clôtures, haies, portails. Quand ils tentèrent d'appeler les numéros figurant sur les divers panneaux, les femmes des uns et des autres répondaient sans comprendre. Les esprits s'échauffèrent, les armes se fourbirent, les représailles s'organisèrent, des réunions de crise furent sur le champ programmées... Le plateau qui était déjà en feu et avait organisé sa rébellion pour lutter contre des envahisseurs lotisseurs sans aucune moralité, trouvait là une belle opportunité de raviver le vent de la révolte générale . On venait les narguer, les outrager sur ce qu'ils avaient de plus symbolique de leur pouvoir propriétaire : leurs clôtures! Le conciliabule tourna pourtant court, chacun devant aller gagner sa miche quotidienne. Mais la décision de retrouvailles motivées autour d'un verre de vin blanc doux du Gers fut à l'unanimité validée. Et puis, au moment de se serrer la pogne revendicatrice et solidaire, ils eurent tous "l'eureka" instantané en voyant passer en vrombissant gaiement sur la route du haut, une 2cv canari bien trop pimpante pour être honnête!    

 

INFIRMIER 

Quelques semaines après, je courrais le bitume de la capitale. 42,195 km de visite bucolique en compagnie de milliers d'azimutés en short qui voulaient tous courir plus vite que moi et qui y arrivaient fort bien! Les marathoniens savent bien les effets de ce "stupéfiant" pédestre, cet état de béatitude céleste, de plénitude intérieure, de zen attitude ressenties après être allé au bout de soi et de ses souffrances inutiles et donc belles et qui nous conduisent parfois aux sources de l'âme! ... et aux terribles contractures du corps! Et c'est dans cet état divinement nébuleux et opaque que j'arrivais le soir même en gare d'Agen. Le TGV n'avait pas encore arrêté complètement sa machine infernale que sur le quai en douteuse effervescence s'agitait un service d'urgence, une vingtaine d'affolés, personnel hospitalier en blanc, avec sifflets, crécelles, girophare criard, brancard, goutte à goutte...

Je n'avais pas posé le pied gauche sur le marche-pied qu'on me prit mon sac, que deux infirmiers musclés m'allongèrent sur le brancard, que quatre autres commençèrent de vigoureux massages, quand deux autres s'activaient à me brancher une perfusion...de Tarriquet frais, qu'un médecin maladroit me prenait la tension, qu'un grand au visage sadique secouait un thermomètre, qu'un autre me faisait le test des réflexes avec son marteau en caoutchouc et qu'un affreux aide-soignant barbu tentait un bouche à bouche contre lequel je luttais, lui préférant la belle infirmière bouclée qui me paraissait bien plus agréablement experte... le tout sous le regard médusé des voyageurs agglutinés, faces écrasées, contre les vitres pleines de buée d'étonnement. Je fus transporté dans ma pauvre 2cv qu'ils avaient maquillé et transformé en pitoyable char de carnaval avec guirlande de casseroles à l'arrière jusque sur les hauteurs de Pé de Mul où quelques savoureuses agapes avaient été délicatement organisées...

 

Je m'attendais bien évidemment à quelques représailles inévitables à ma virée nocture de poseur de "panneaux poissons"... je fus ferré et pêché par bien plus malins. Roulé dans la farine, j'évitais de justesse la poêle et la rondelle de citron!

 

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26 mars 2010 5 26 /03 /mars /2010 10:23


PASDESERT.jpg
" Quand je ne peux regarder ton visage,
je regarde tes pieds.
Tes pieds. Leur os cambré.
Tes deux petits pieds durs.
Mais je n'aime tes pieds
que pour avoir marché
sur la terre et aussi
sur le vent et sur l'eau
jusqu'à me rencontrer."


Pablo Neruda

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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 18:57

alain Callès

Je sais ce que vous allez me dire. Il suffit qu'il voit un âne pour déclarer que l'homme qui l'accompagne est forcément un sage. C'est vrai qu'Anatole de Gascogne et Tambourin de Provence m'ont appris la sagesse exceptionnelle de l'asinus, la patience, l'observation et offerts tellement de moments inoubliables. Je leur ai tellement confié de choses secrètes de ma vie dans leurs grandes oreilles. Des confidences démesurées à l'image de la taille de leurs pavillons pointus. Presque prêts à tout entendre. Même que souvent leurs yeux si doux se fermaient, comme pour confirmer l'énormité de mes propos de pauvre balladin errant, pitoyablement terrien et non moins tristement humain.
Non, mon propos ne s'adresse pas à la bête qui est bien loin de l'être..., mais à l'être...qui ne l'est pas non plus... Alain Callès m'émeut. Profondément. Ses mots s'entrechoquent, choquent, se placent, se déplacent, hésitent, luttent, s'apaisent un instant pour mieux s'affronter, se lier, flirter, s'aimer, accoucher durement et enfin vivre "libres". Des mots accolés comme des amants. Qu'il ose faire copuler au grand jour. Des mots qui n'étaient pas faits pour se rencontrer. Et qu'il présente l'un à l'autre. En leur demandant de jouer le jeu. Et c'est bien joué. Cet homme est sensibilité, douleur, passion, sensualité, souffrance, générosité, permanence joyeuse et déterminante de la main tendu vers l'autre. Grande ouverte. Sans calcul.
Ses écrits me donnent la chair de poule. Comme quand  on pose les lèvres chaudes sur la chair rosée d'une figue de Solliès bien mûre...

"J'habite surtout là ou me portent mes errances, dans des territoires réels ou imaginaires, là où reposent des rêves, là où il est possible de biner l'espoir, là où la chaleur est humaine et supportabte."

"J'aime toutes les peaux et la diversité de leur goût. J'aime le goût des peaux retournées, comme une fleur déployée qui offre sa saveur intérieure. J'aime les mots comme j'aime les peaux."

"Enrichir et diversifier les palettes de couleurs, de goûts, d'odeurs; multiplier les sens des sensations, mettre le feu aux mots, marcher des deux côtés des frontières."

Auteur chez Chloé des Lys d'"Eclats de verres", découvrez ses mots sucrés, acides, aimants, rudes ou tendres :


www.alaincalles.over-blog.com

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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 19:04

FIGUE1.jpg Figues
FIGUE3.jpg
J'ai une préférence pour celles qui ont la peau noire, burinée par la maturité et laissant espérer un goût plus prononcé.

Pleine, charnue, toute en rondeur, tu es une oasis débordant de sensualité qui a puisé toute l'eau de la terre et l'a réchauffée en son sein.

Ridée, voire efflanquée et à la peau rêche, tu as emmagasiné en toi toute l'expérience du soleil, ses blessures mordantes et bienfaitrices qui te font sourire quand tu t'ouvres sous la pression de mes doigts qui écartent ta peau. Tu laisses alors entrevoir le granulé de ta chair, la souplesse du frémissement tandis que mon désir s'étire comme un chat qui se prépare à bondir hors de sa sieste.

Ma langue fouille ta chair rose, pourpre et rousse. Tes graines pleines de mystère roulent et craquent sous la pression tandis que monte la saveur de l'inconnue qui s'offre, ouverte à la pénétration.



FIGUE2.jpg 

Figue tournée vers mon plaisir comme un tournesol inconstant qui retient le mystère de toutes ses fibres et minaude en résistant à l'aspiration de mes lèvres. Lèvres à lèvres, ta cicatrice est un gouffre sans fond où je noie mon angoisse dans un puissant jet d'espoir. Tu apaises mon odorat brûlant et mon goût de l'inassouvi sans morale ni conditions. Je t'aspire en moi et tu t'insinues au tréfonds de ma moelle, là où ma mémoire dort d'un œil et se réveille en rampant sous ta peau duveteuse. Là où un doigt enduit d'humour gratte, sarcastique, l'envers de mon cerveau pour lui inoculer une goutte de bonheur, malgré lui. Là où luit le sourire du possible jamais rassasié par ton suc.

 

Goutte en forme de figue dont la chaleur détend les rides des douleurs. Figue en forme de goutte pleine à craquer de graines d'explosion de plénitude fugace. Figue comme un feu d'artifice de jouissances tout en miel.


Filles de Solliès cousues sur le bonheur, alanguies à l'ombre bleue du figuier, vous êtes mon émoi de septembre et d'ailleurs. Vous êtes le paradis possible de l'immoralité assumée et du plaisir sans entrave.


Alain Callès

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1 mars 2010 1 01 /03 /mars /2010 14:30


LISEUSE

Voilà le petit jeu à la mode chez l'éditeur Chloé des Lys : taguer le copain ou la copine auteur avec ce questionnaire indécent et indiscret qui s'insinue insidieusement dans nos blogs comme une chaîne infernale. Carine Laure Desguin, l'auteur de "Rue Baraka" http://carinelauredesguin.over-blog.com m'a transmis le témoin. Alors je m'emploie dans les lignes qui suivent à répondre en "toute sincérité...ou presque" à ses interrogations douteuses.

1-Plutôt corne ou marque-pages ?


Marque-corne. Je corne d'abord la page pour savoir où je dois mettre le marque-page.
Au début je faisais le contraire. Je mettais le marque-page et cornais joyeusement. J'ai mis assez longtemps à comprendre que l'un ou l'autre suffisait. Mais quand on a pris des habitudes...


2-As-tu déjà reçu un livre en cadeau?

Oui souvent. Depuis mon enfance où ma tatie Thérèse s'évertuait à ponctuer mes noëls d'ouvrages variés : Les pensées de Pascal, Réussir son andropause, La vie de St François d'Assise, Elevage intensif de la pintade dorée, Les dix recettes de la paëlla aragonaise, Manuel de technologie 2ème cycle, Michel Strogoff et le veau Strogonoff... d'où cet ouverture d'esprit qui me caractérise!


3 -Lis-tu dans ton bain?

A part le manuel de plongée que j'ai parcouru le nez sur la bonde et le tuba vers la pomme multijets avant de boire la tasse savonnée de ma vie, je ne lis jamais dans mon bain. Je ne prends d'ailleurs jamais de bain depuis ce jour là. J'ai fait des bulles pendant une semaine comme une bd infernale. Alors je lis là où j'ai pieds. Dans mon lit...bateau.

4-As-tu déjà pensé à écrire un livre?

Oui à 10 ans. J'ai écrit "La traversée pour mes frères noirs". La descrimination m'interpellait et me révoltait déjà. J'avais un correspondant au Caméroun qui me racontait sa vie de tous les jours. Je rêvais tellement d'un monde métissé où chacun s'aiderait à mieux vivre. Avec des illustrations très personnelles et une reliure "bricolo maison" à faire pâlir les diplômés des métiers d'art! Je l'ai retrouvé il y a peu. Intact. Je l'ai relu. J'ai souri et pleuré. De mon innocence d'enfant perdue. J'aurai mis trente ans à reprendre la plume après ce succès d'estime familial. Avec beaucoup moins de fraîcheur et de spontanéité.

5-Que penses-tu des séries de plusieurs tomes ?

A part les "Rougon Maquart" dans ma période zolatesque, je ne crois pas avoir renouvellé l'expérience. Pas trop mon truc. J'ai toujours des livres à lire que j'empile et qu'il me tarde de lire au plus vite. Je ne suis pas trop sagas interminables, épopées joyeuses des aïeuls, aventures improbables du grand-père, vie trucculente de la mamie, récit sulfureux des parents qui ont engendré des rejetons extraordinaires, balbutiements de ceux-ci, premiers émois, vies sentimentales débridées, mariages douteux, puis mort accidentelle du grand-père qui a voulu tenter de faire quelques étirements avec la voisine, décès de la grand-mère impudique et hors d'âge en train de guincher sur de la musique country.... Pitié, j'ai assez de ma vie à tricoter. Déjà que ma bibliothèque a des rayonnages qui ont tendance à vouloir aller caresser la moquette inquiéte, je ne peux lui infiger un châtiment définitif d'une rafale de tomes vendus au poids. Car les "tomes" sont pesants, alors que les "livres" sont étonnament fluides, aériens et se posent toujours en équilibre subtil de manière à épargner le rayonnage. Si, si , je vous assure! Que diantre, soyez un peu attentifs à la vie de votre bibliothèque!

6-As-tu un livre culte?

Pas de livre culte précisément, mais je crois que les "Pagnol" que je dévorais en cachette dans ce pensionnat lugubre de mon enfance m'ont fait me construire ces images, ces mots et ces senteurs que je prends plaisir à exhaler dans mes livres. Je m'inventais des histoires que je racontais à mes camarades pendant les promenades sous les tilleuls tristement au garde à vous dans cette cour cloîtrée de toute part.

7-Aimes-tu relire?


Noooooon... ou alors involontairement... je reviens parfois sur un livre pour retrouver un passage qui m'avait marqué et comme je ne prends aucune note, je cherche en vain ce passage maudit et...finit par relire l'ensemble du livre dans un désordre complet. Rigolez, rigolez,vous verrez quand vous aurez mon âge!


9-Aimes-tu parler de tes lectures?

Bizaremment, j'ai beaucoup de mal à partager mes lectures. D'abord parce que j'ai remarqué que j'en avais toujours une interprétation très personnelle. A croire que lorsque j'échange avec quelqu'un sur un lecture commune, j'ai l'impression curieuse qu'on n'a pas lu le même ouvrage! Je dis simplement si j'ai aimé. Alors les autres évitent de le lire!

10-Comment choisis-tu tes livres?

Avec la main droite qui vient cueillir l'ouvrage dont la couverture a su me séduire, la main gauche qui le retourne et mes yeux avides qui dévorent la quatrième de couverture.Et la main droite le repose sur son berceau initial ou bien la main gauche, la chef, le mets finalement dans le panier.
Deux choses sont sans appel : la qualité de la couverture, sa mise en page ( inquiétante déformation professionnelle) et la quatrième de couverture qui doivent me donner envie instantanément d'aller plus loin.
Voilà pourquoi, j'ai du passer au travers de quantité de chefs-d'oeuvres, tout ça à cause de cette sale manie de vouloir un beau livre dans les mains et sous les yeux! Quand l'esthétique devient esthé... tic

11-Une lecture inavouable?

Pas une mais DES lectures inavouables bien sûr! Déjà le catalogue de jouets de Noël, en cachette, la veille de Noël, quand tout le monde était couché. J'avais rêvé béatement sur une Barbie aguicheuse à la tignasse en crin jaune . Mais il était bien trop tard pour la commander! J'ai essayé de prier un peu. Je croyais encore aux miracles. Les pages "dessous féminin" du catalogue La Redoute aussi, quand j'étais pré-pubère et que mon pote Michel me disait de mettre mes doigts sur ces seins de papier... que ça faisait des choses autour du nombril! Moi, j'ai rien senti! J'ai toujours eu un train de retard et toujours préféré le grain de la peau à celui du papier glacé.
  
12-Des endroits préférés pour lire?

Je lis souvent le soir devant la cheminée, mon endroit préféré pendant les mois en "r" comme pour les huitres. L'été, c'est un peu partout où je peux poser ma carcasse dans les recoins calmes et ombragés. Et puis, je lis tous les soirs dans la tiédeur de mon lit douillet avant que le marchand de sable me balance son seau de silice sur la tronche et dans les draps. Va dormir après ça, le dos sur une mini dune. Et en plus, il te joue un coup de pipeau. Alors je reprends mon livre et m'imagine sur la plage de Pénélope Beach!


13-Lecture en musique ou en silence?

En silence. Forcément en silence. Même pas le chant des oiseaux, le miaulement de mon chat, le braiement de mes ânes, le chant de mon coq et l'agitation de ses poules... bref j'ai acheté une carabine 22 long rifle pour enfin assouvir ma quiétude de lecteur. Je n'ai pas supporté la déflagration non plus. Ni la suivante. L'autre non plus. Ni le bruit de ma bibliothèque qui s'est effondrée.
Maudite myopie!

14-Lire un livre électronique?

Impossible! Ou alors sous la torture et encore je fermerais les yeux et chanterais à tue tête le "Barbier de Belleville" de Régiani. " Je suis le roi du cisoooooooooo... de la barbiche en bisooooooooooo"...Quoique maintenant que ma bibliothèque s'est effondrée... C'est vrais qu'au niveau gain de place...Bon, promis j'y réfléchis!...Mais non, mes livres d'amour... je rigole...ouf...je vois d'ici la rébellion intrépide, la manif tendue sous l'égide des organisation syndicales des "romans associés", des "essais en lutte", des "nouvelles aux abois", la contestation organisée... 650 ouvrages selon les syndicats, à peine 200 navets selon la police. Si je pouvais m'éviter un pavé de 600 pages sur la tronche! Ok, après négociations franches et cordiales, le livre électronique sera définitivement délocalisé.


15-Un livre pour toi serait?

Un millefeuille délicieux, avec suffisamment de crème qui gicle de partout quand on y plante les dents, unjour d'été à l'ombre d'un figuier, le regard songeur perdu vers ces montagnes gravies maintes fois et en se disant simplement qu'à cet instant précis, je suis bien et que le monde est beau.

16-Lire par dessus l'épaule?

Je suis bien trop petit et tellement myope...Et mon éducation me l'interdit. Bon il y a quelques dérogations estivales quand la lectrice a une peau de pêche mordorée et ... Non, vous ne saurez rien!


17-Lire et manger ?

Dévorer un livre oui... mais quand même pas un navet! (pour votre santé mangez 5 fruits et légumes par jour)... Non, je ne peux pas faire deux choses en même temps... limité le pauvre gars


18-Quel est le titre que tu lis actuellement et quel sera le prochain?

Je lis souvent plusieurs livres en même temps. Plus exactement un livre en fonction de mon humeur. Et comme je suis d'humeur changeante...
Par exemple, en ce moment je lis "Quelqu'un avec qui courir" de David Grossman roman d'apprentissage contemporain qui tient à la fois du récit de chevalerie et du conte de fées avec pour le décor le monde cruel d'une certaine jeunesse aux prises avec drogue, violence misère. Egalement "Fantasia chez les ploucs" de Charles Williams. C'est un roman filou, arsouille, canaille, tendre et surtout très drôle. Et puis "La douceur des hommes" de Simonetta Greggio. Un petit extrait qui m'a personnellement bouleversé parce que c'est tout moi ça :
" Ma vertu, c'est les hommes. mon rythme, c'est eux. Leur douceur. Il faut juste leur en laisser la possibilité, tu sais, le droit de l'être. C'est si dur de devenir un homme : c'est pour ça qu'il leur faut cacher cette douceur. Un homme doux transporte avec lui l'enfant qu'il a été et le vieillard qu'il sera, sa violence et la fierté de savoir y renoncer. Il est plus doux qu'un père et une mère, plus doux qu'une gorgée d'eau pour qui meurt de soif. Un homme doux, c'est toute la douceur du monde, c'est la salive sur un genou écorché, et la dernière rose en décembre, et la truffe de ton chien qui te fouille le visage au premier chagrin". Encore un silence. Encore un soupir. " Ce qui fait la force d'un homme, c'est sa douceur"
Et pour le prochain en haut de la pile, "Une belle époque" de Kate Millie, ma comparse de chez Chloé des Lys, en attendant la très attendue "Rue Baraka" de ma tagueuse Carine Laure Desguin.

19-As tu déjà abandonné la lecture d'un livre?

Oui, oui ...  notamment un dont je taierai le nom et dont j'ai longtemps pensé que je l'avais mis à l'envers!
Je l'ai retourné. Mes lunettes aussi. J'ai même fait la position inconfortable du poirier avec. A mon âge! Je n'ai visiblement pas même compris le texte écrit sur la tranche. Malgré moult hésitations... Mais bon...c'est le dernier bouquin en russe que j'achète! Toujours à vouloir faire le malin...

20-Qui tagues-tu?

Alors c'est décidé, je tague...Nadine Groenecke, l'auteur de
"Trop plein"!
A toi la plume Nadine...

DORMEUR
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26 janvier 2010 2 26 /01 /janvier /2010 19:19


monde
" Je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage.
Des bruits de campagne montaient jusqu'à moi.
Des odeurs de terre, de nuit et de sel
rafraîchissaient mes tempes.
La merveilleuse paix de cet été endormi
entrait en moi comme une marée.
Devant la nuit chargée de signes et d'étoiles,
je m'ouvrais pour la première fois
à la tendre indifférence du monde."

Albert Camus

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26 janvier 2010 2 26 /01 /janvier /2010 10:15



bedous

C'était il y a peu. Je fermai la lourde porte de la maison familiale dans ce village de montagne qui m'est cher, pour regagner la plaine de Garonne et le quotidien laborieux. Un attroupement de gens endimanchés encombrait le porche de l'église qui battait ses cloches en couvrant à peine les bavardages. Matinée claire et froide avec juste une légère farine sur les crêtes ensoleillées. Je m'approchai de l'animation matinale et interrogeai un voisin. Jojo était mort. Il y a deux jours. Soixante quinze printemps, étés, automnes et hivers. Et ce dernier qu'il ne connaîtrait pas.

edelweiss
C'était il y a longtemps. Cette lourde maison aspoise n'était pas encore familiale. Nous venions y passer nos vacances et mes parents en louaient une partie. Jojo et sa famille en occupaient une autre. L'homme n'était pas un démonstratif forcené ni même un vantard patenté. Non, un montagnard. De ceux qui font et ne disent pas. Tout ce qu'il y avait de vie dans le village se retrouvait autour du fronton. Comme dans tous les villages basques ou béarnais. Les parties de pelotes animaient les soirées encore chaudes, les bars enfûmés et chantants les clôturaient. J'admirais les jeunes du village qui descendaient ostensiblement de montagne, traversaient la foule des touristes préssée autour de la cancha, en arborant des bouquets d'edelweiss volés aux versants nord du Mailh Abord. Ils étaient tellement fiers et enviés. Et les jeunes filles les admiraient d'une manière que je trouvais bien excessive, en se disant à l'oreille des mots qui font rougir. Et puis aussi cette fillette fluette, au visage doux et giclé de tâches rousses, bien plus grande que moi, mais que je trouvais si belle.

enfants
C'était un lendemain. On avait décidé avec ma soeur cadette d'aller braver les sommets et  d'en ramener la fleur convoitée. On avait longuement fixé la montagne depuis la galerie de la maison en imaginant un itinéraire un peu fou. On avait pris les sentes, traversé des bois et clairières, téméraires et décidés. Mais le sommet était toujours bien trop haut et nos jambes bien trop écorchées par les ronciers pas très coopératifs. Mais nous n'étions jamais montés aussi haut et ça c'était déjà notre victoire. Bon d'accord, nous n'étions qu' à dix minutes du village! On concrétisa notre escapade par l'achat, avec nos économies, dans le grand bazar de souvenirs de la place, d'une carte postale avec deux vrais édelweiss collés dessus... qu'on s'ingénia à délicatement désolidariser de son support pour qu'il devienne notre trophée. Le récit  aux détails excessifs, lors du repas du soir, ne sembla pas convaincre nos parents qui se montrèrent pourtant bon public en plaignant nos corps marqués par l'aventure (surtout nos jambes rayées de carmin), admirant notre bravoure et nos fleurs...séchées sur lesquelles étaient encore crôutées quelques traces...de colle! 

vache
C'était un soir d'été. Sur la pierre qui longe la façade de la maison, les gens se réunissaient pour prendre le frais, des nouvelles, en prendre, en donner, parler même si l'on n'avait rien à dire. Il y avait toujours quelques conversations à inventer ou commenter... le temps changeant, l'étape du Tour de France, la mauvaise pêche, le gave trop haut, la montagne... les sujets ne manquaient pas. Comme tous les soirs, j'écoutais les blagues de mon père, la taille des truites inimaginables de Joseph... Jean arrivait des prés en ramenant les quelques vaches qui n'étaient pas en estives. Elles s'abreuvaient un peu à la fontaine et déposaient quelques bouses délicates en passant devant nous. Gracieuse racontait sa journée au regain avec ses mots joyeux et s'apprêtait à aller tirer le lait. Jojo écoutait aussi. jamais grand chose à dire. Un peu assis à l'écart. Ce soir là pourtant il m'avait fixé dans les yeux. Il m'avait toisé d'une manière insistante qui m'avait, je m'en souviens encore, fortement mis mal à l'aise et gêné. Il avait dit de sa voix rocailleuse mais claire qu'il partait le surlendemain "aux édelweiss" avec ses deux enfants, Marc et Chantal, qu'il emmenait pour la première fois. " Si tu as des jambes...on part à quatre heures!" m'avait-il lançé sans fantaisie. Paniqué et écarlate, j'avais cherché le regard salvateur de mon père qui s'amusait au contraire de la situation, songeant sans aucun doute aux deux fleurs sèches qui trônaient lamentablement sur la cheminée.

famille
C'était ce matin là. Pas dormi de la nuit. J'espérais une tornade, une tempête de neige, un orage, des rafales de pluie, une invasion de sauterelles, une folle attaque des ours... Mais non. Jojo frappa à la porte. Quatre heures du matin. Comme convenu. Il faisait grand beau. Ma mère m'avait préparé le sac. Je l'avais embrassée. Je la sentais inquiète. "Vous savez, il n'a jamais fait...". Alors, il l'avait rassurée avec des mots simples et tellement posés. Déjà on descendait l'escalier en se chamaillant un peu avec les enfants. Sans doute pour exorciser l'appréhension. Nous sommes passés au fournil, prendre du pain. Le boulanger était à l'ouvrage et pétrissait déjà. Il nous donna deux pains bien galbés, discuta un peu avec Jojo et reprit son ouvrage. On s'engagea par la rue Biscarce endormie. On alluma les lampes. On commença à grimper par la sente bordée de buis. A l'endroit précis où l'on avait rebroussé chemin, je pensais affectueusement à ma soeur encore endormie au village. Puis le bois interminable. Puis les lacets à découvert. Puis les trois abreuvoirs. Puis la cabane du berger. Puis...

grimpeuse
Mes jambes un peu folles et excitées avaient maintenant pris le rythme lent des pas du montagnard. Le jour mît du temps à se lever. Jojo s'arrêtait souvent et parlait de la montagne. Simplement. Je n'avais jamais entendu autant sa voix. Je trouvais alors, du haut de mes dix ans, que tout était en accord. La beauté de la montagne, les pas de l'homme, sa voix, ses mots, nos petites têtes qui étaient en train de se fabriquer des rêves, des histoires tellement belles à raconter. Il nous regardait souvent et sentait si il devait temporiser l'ascension ou poursuivre encore un peu. On marcha des heures, interminables, belles, uniques, inoubliables, magiques. De celles qui tapissent de beau à jamais vos âmes d'enfants. Au sommet, on respecta le silence de l'homme. Assis tout près de lui, les yeux perdus vers ces abîmes immenses, des mots me vinrent à l'esprit comme des prières que je gardai à jamais pour moi. Personne ne vît non plus ces gouttes de bonheur qui prirent le doux sentier de mes joues.

grimpeur-copie-1
C'était cette après-midi là. Jojo, avec l'agilité d'un isard, cueillait sur les roches du versant nord, au-dessus du vallon de Gey les fleurs aux étoiles d'argent. Nous l'attendions bien en sécurité sur une vire herbeuse. Il remonta et nous confia le bouquet ouaté que l'on se partagea. Quand mes yeux rencontrèrent les siens, je sus que j'étais devenu un petit montagnard. Les miens lui offrirent tant de reconnaissance...

garçon
C'était cette soirée là. Le fronton s'animait aux coups de palas des pelotaris. La foule bariolée s'enthousiasmait, encourageait, vibrait. Chantal, Marc et moi, traversâmes fourbus cet espace bruyant, serrant fièrement dans nos mains les édelweiss de Jojo qui était resté discrètement en retrait  discutaillant çà et là, et s'amusait des réflexions admiratives des touristes à notre égard. En passant à l'angle de l'église, une fillette fluette, au visage doux et giclé de tâches rousses m'offrit des yeux tellement pleins d'étoiles...





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25 janvier 2010 1 25 /01 /janvier /2010 19:41
angelot



"Le paradis n'est pas sur terre
mais il y en a des morceaux."

Jules Renard

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